La voici, celle que vous attendez tous...
Le 3 avril 2000 :
Je déteste Jay. JE LE DÉTESTE. Papa me dit de ne pas l'écouter. Papa est nul. Jay a dit que je n'étais qu'un clown de pacotille, que je ne ferais jamais rien d'autre que faire sourire les gens, que je ne serais jamais comme Tara et Edwin, les VRAIS clowns. Il est vraiment NUL.Le 7 avril 2000 :
Jay avait peut-être raison. J'ai raté mon numéro d'hier soir. Les gens n'ont pas ris, Tonton Mickey a du sauver la présentation.Le 11 avril 2000 :
Maman va m'apprendre le trapèze. LE TRAPÈZE !!! C'est incroyable. Et beaucoup mieux qu'être clown ![...]
Le 19 mars 2001 :
Ça y est. Maman a dit que j'étais prête. Ce soir, je me lance. Le journal valsa à travers la pièce exiguë et rencontra sauvagement le mur, puis la poubelle. Holly leva les bras en signe de victoire. Voilà où devait se finir cette histoire.
En faisant ses cartons, elle était retombée sur son vieux journal, datant d'il y a près de 10 ans. Evidemment, les souvenirs revenaient. Des images brèves de sa chute lui revinrent en premier. Sa main qui glisse, le harnais qui lui scie le ventre, le visage moqueur des clowns. Puis plus rien. La douleur, lancinante, seule preuve qu'elle était encore là. Holly se frotta machinalement l'arrière du crane en voulant estomper sa douleur imaginaire. Elle ferma les yeux et se laissa basculer en arrière sur son lit d'appoint.
La précarité du matelas lui rappela celui de l'hôpital, sur lequel elle avait passé un peu plus de deux mois. Non qu'elle est réellement eu besoin de soin intensif après trois semaines d'hospitalisation, mais plutôt que ses parents ne pouvaient pas la prendre en charge, constamment en déplacement. Et puis, Holly, il n'y a pas de place dans une caravane pour placer les instruments dont tu aurais besoin, répétait sa chère maman. Enfant, elle l'admirait. Maintenant, elle la plaçait au même rang que son père. Passer l'adolescence et se construire loin de ses parents, il n'y a rien de mieux pour briser des liens familiaux.
A l'hôpital, elle refusait la visite du clown. Personne n'insistait. Une infirmière avait voulu la distraire, lui faire une surprise. Elle avait simplement fait une crise d'angoisse. Plus jamais on ne lui présenta le moindre nez rouge ou sourire exagéré au rouge à lèvres.
Holly soupira et se releva. Elle plia quelques vêtements qu'elle jeta finalement dans une grosse valise et s'attaqua aux papiers et documents divers de son bureau. Sous une pile de vieux papier, elle dégota une photo de classe. La rousse sourit en se voyant, au beau milieu de ses camarades et de la puberté, à l'âge de 16 ans. Elle passa instinctivement sa langue le long de ses dents juste après avoir revu son appareil dentaire, celui qui hanta ses photos pendant près de trois ans.
A sa sortie de l'hôpital, elle était allée s'installer chez sa tante Stacey, à Brisbane, ville charmante de la région. Au début, elle ne sortait pas, continuant son éducation à domicile. Puis sa tante décida, vers ses 14 ans, de l'envoyer à l'école. A son grand étonnement, Holly fut très bien accueillie et intégrée, elle qui voyait l'enseignement public comme un univers fermé. Elle passa de belles années, avec ses amies, ses petits amis, sa vie de lycéenne.. Au début, elle pleura sa famille en silence. Elle finit par passer à autre chose.
Et la voilà, lycéenne diplômée, ayant passé sa première année d'études d'art graphiques avec succès. Rien ne pouvait gâcher son avenir, du moins, c'est ce qu'elle pensait.
Holly lâcha un très long soupire. Elle finit de fermer ses cartons, attrapa son sac à dos et sa valise, et descendit l'escalier qui menait au salon. Elle enlaca longuement sa tante, qui ne put s'empêcher de pleurer.
" Tantine, je ne vais habiter qu'en centre-ville, je viendrais te voir tous les week end !"
" Ne me fais pas de promesses que tu ne tiendras pas, jolie rousse."
Holly lui sourit tendrement.
Trois ans plus tard, Holly a obtenu son diplôme et travaille en tant qu'infographiste et webdesigner, à son compte. Elle arrondit ses fins de mois en travaillant de temps en temps dans un fast-food du campus. Elle est heureuse. Les crises d'angoisse sont rare depuis l'adolescence. Elle espère seulement que ses parents ne décident pas d'installer le cirque à Brisbane. Prions.